PARIS — Le 23 avril, le conseiller écologiste de Paris Emile Meunier, ainsi que d’autres élus et associations, a attaqué en justice l’imposante malle qui recouvre un immeuble de LVMH sur les Champs-Elysées le temps de travaux (une “publicité géante illégale”). Quelques jours plus tard plus tard, il s’interroge sur un autre “micmac qui [le] chiffonne”, comme il l’a confié à POLITICO.
En l’occurrence, cet élu du 18e arrondissement, président de la commission du Conseil de Paris dédiée à l’urbanisme, s’intéresse à une parcelle de près de 7000 mètres carrés du Jardin d’acclimatation qui vient d’être rattachée au site de l’ancien Musée des arts et traditions populaires (MATP).
Les deux terrains sont gérés par LVMH, mais ils le sont via des entités juridiques et des régimes administratifs distincts, qui courent sur des durées différentes.
Malgré une délibération du Conseil de Paris en avril qui a autorisé la maire à valider l’opération, Emile Meunier s’est fendu d’un mail à Patrick Bloche, premier adjoint d’Anne Hidalgo, pour réclamer des éclaircissements.
Faute de réponse satisfaisante, il envisage d’adresser une question écrite à l’exécutif parisien, puis un vœu au prochain conseil municipal, avant d’éventuelles poursuites judiciaires — “Je suis à deux doigts”, prévient-il. Dans son viseur : des avantages que le groupe de luxe tirerait, selon lui, du transfert de la parcelle, au détriment de la capitale et des Parisiens.
L’espace public privatisé ?
Fermé en 2005, le site du MATP, dont la mairie reste propriétaire, fait l’objet d’une convention d’occupation de l’espace public avec le groupe de luxe signée en 2017. Celle-ci court pour une durée de 50 ans à compter de 2022, une clause censée laisser à LVMH le temps de mener d’importants travaux, estimés à 158 millions d’euros, pour transformer l’ancien musée en un centre culturel qui devrait ouvrir ses portes en 2026, voire 2027.
Une filiale du groupe, la Société du Jardin d’acclimatation, exploite quant à elle le parc de loisirs depuis 1995, dans le cadre d’une délégation de service public renouvelée en 2015, pour 25 ans.
LVMH vient donc de doubler sa durée d’exploitation d’une parcelle de près de 7000 mètres carrés, sans augmentation de la redevance fixe qu’il verse à la mairie. “Le changement n’est pas assez important pour en justifier une”, nous fait savoir l’entourage de Patrick Bloche. La ville devrait tout de même voir la part de redevance variable, indexée sur les recettes du site, augmenter mécaniquement.
“Un nouveau chèque en blanc” au groupe de Bernard Arnault, a dénoncé Meunier lors du Conseil de Paris d’avril. “Une transformation à la marge” du site, lui a rétorqué Patrick Bloche, qui a aussi assuré “que les intérêts de la ville sont parfaitement défendus et assurés”, notamment d’un point de vue financier.
En 2022, le chiffre d’affaires du Jardin d’acclimatation s’élevait à 31,6 millions d’euros et la redevance, à 2 millions. Le tout pour un résultat net négatif de – 1,6 million d’euros, selon le rapport d’activité des délégataires et concessionnaires de la mairie de Paris. La future Maison LVMH, quant à elle, rapportera 150 000 euros par an à la ville, en plus d’un intéressement sur les recettes, de 2 à 10%.
Autre problème, aux yeux d’Emile Meunier : si LVMH promet que les visiteurs du jardin auront toujours accès à la parcelle transférée, “celle-ci doit accueillir un théâtre de plein air privatisable 130 jours par an”, installé sur un parvis d’un peu moins de 400 mètres carrés, d’après les documents de la municipalité. “Une modification mineure du contrat”, estime-t-on, là aussi, dans l’entourage de Patrick Bloche.
“Ce n’est pas parce que c’est privatisable qu’on privatisera, balaie un porte-parole du groupe. Ce transfert ne changera strictement rien pour les visiteurs du jardin.”
Plus largement, LVMH invoque “un pur aménagement technique de bon sens” et nie “être dans une logique d’accaparement des lieux sous prétexte qu’[il] a contribué à leur entretien”.
Le même argumentaire apparaît dans les avenants récemment signés par Anne Hidalgo et que POLITICO a pu consulter. Ceux-ci font état de la nécessité “d’assurer l’autonomie fonctionnelle du site” en rassemblant des équipements techniques — de gestion d’eaux pluviales ou d’accès du personnel, notamment — “au sein du même périmètre et donc de la même CODP [convention d’occupation du domaine public]”.
Pas de quoi rassurer Emile Meunier, qui dénonce un bois de Boulogne transformé en “LVMH-land”. Et qui justifie ainsi son combat : “J’essaie de prendre des sujets symboliques pour attirer l’attention sur des pratiques que je réprouve et qui consistent à dérouler le tapis rouge aux grandes entreprises”, assume l’élu, devenu en quelques années le premier opposant local à Bernard Arnault.
Plus récemment, il est monté au front, aux côtés d’autres élus et d’associations, sur plusieurs dossiers, de l’amphithéâtre LVMH de l’Ecole Polytechnique au toit-terrasse de la Samaritaine installée le temps des JO 2024, en passant par la statue géante de l’artiste Yayoi Kusama et son logo Vuitton, installée au pied du grand magasin puis finalement retirée.
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