DAVOS, Suisse — Après des années où il était moins question d’accords commerciaux, il ne manquait plus à l’Union européenne que le choc du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pour se ressaisir.
La patronne de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et son monsieur commerce Maroš Šefčovič n’ont pas traîné. Après le triomphe électoral de Trump en novembre, ils ont agi rapidement pour conclure des accords bloqués depuis des années — voire des décennies — et comptent établir de nouvelles relations avec d’autres économies pour compenser les menaces du président américain d’une forte hausse des droits de douane.
“L’Europe continuera à prôner la coopération, pas seulement avec nos amis de longue date, qui partagent nos valeurs, mais aussi avec tous les pays avec qui nous avons des intérêts communs”, a clamé von der Leyen lors d’un discours au Forum de Davos, moins de vingt-quatre heures après l’investiture de Trump, lundi.
Au cours du premier mandat de l’Allemande, la Commission a cherché à associer les droits de l’homme et les conditions écologiques aux accords commerciaux, ce qui s’est avéré être plus que ce que ses partenaires étaient prêts à accepter. A l’image d’un voyage prévu fin 2023 pour sceller un accord commercial avec l’Amérique latine, annulé à la dernière minute. Ou du deal avec l’Australie, qui est tombé à l’eau après que des huiles de l’UE ont traversé le globe pour une cérémonie de signature qui n’a jamais eu lieu.
Ces revers ont montré que les ambitions commerciales élevées de von der Leyen lors de son premier mandat n’étaient pas réalistes. Un changement d’état d’esprit s’est manifesté au cours des semaines qui ont précédé l’investiture de Trump.
“Mon point de vue depuis deux mois, et je pense que cela a également été très clairement confirmé ici au cours des deux derniers jours à Davos, est qu’il y a un énorme intérêt à accélérer les négociations de libre-échange avec l’Union européenne”, a déclaré Šefčovič à POLITICO au Forum de Davos, répondant à une question lors de l’interview sur le fait de savoir s’il percevait un changement dans la politique commerciale de l’UE.
Donald Trump n’a pas encore mis à exécution ses menaces d’imposer des droits de douane de 10% à 20% sur tous les produits — et plus pour le Canada, le Mexique et la Chine. Mais la simple perspective a eu un effet galvanisant.
“Trump contribue — sans le vouloir — à faciliter les accords commerciaux entre l’UE et des tiers. On voit qu’il y a un changement d’esprit, une nouvelle dynamique”, relate un diplomate européen à qui, comme d’autres dans cet article, l’anonymat a été accordé pour parler franchement.
Retour à la réalité
Après deux décennies d’allers-retours sur le traité avec les pays sud-américains du Mercosur, la Commission européenne a conclu un accord politique au début du mois de décembre. Elle a notamment accepté que les parties puissent demander des compensations pour les pertes résultant de réglementations européennes strictes, telles que celle visant à freiner la déforestation. Ce mécanisme de rééquilibrage est une première pour un accord commercial de l’UE, selon un haut responsable européen.
De même, trois jours avant l’investiture de Trump, Bruxelles a finalement accepté d’améliorer son accord commercial avec le Mexique. Les négociations piétinaient depuis des années, mais la menace de droits de douane brandie par le président américain à l’encontre du Mexique a encouragé les deux parties à présenter un front uni.
Dans sa hâte de faire passer l’accord, Bruxelles a admis qu’il était “moins ambitieux” que ce qui avait été envisagé auparavant. Si d’autres partenaires commerciaux s’empressaient de conclure des accords avec Mexico, l’Union européenne pourrait se retrouver dans une position plus défavorable à l’avenir, souligne un autre responsable européen.
L’empressement de Bruxelles de mettre à jour le traité avec le Mexique semble avoir surpris la présidente du pays, Claudia Sheinbaum. “Le travail continue et il n’y a toujours pas d’accord. Tout doit s’aligner sur notre plan”, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse vendredi.
Les responsables de l’UE ont depuis cherché à préciser que l’accord avait été conclu au niveau politique, bien que le texte juridique doive encore être finalisé.
Parmi les autres victoires commerciales, l’UE a approfondi et élargi ses accords avec la Suisse et relancé les négociations sur un deal avec la Malaisie, qui étaient à l’arrêt depuis une décennie. Ursula von der Leyen prévoit de conduire l’ensemble de son collège de commissaires en mission en Inde le mois prochain, à la recherche d’un pacte pour un partenariat stratégique et d’avancées dans leurs longues et lentes discussions sur un accord commercial.
Gâcher la fête
Les ambitions de l’UE en matière de libre-échange sont refroidies par les profondes divergences entre ses deux plus grandes économies, la France et l’Allemagne, qui ne s’entendent pas sur de nombreux dossiers commerciaux. En particulier sur celui du Mercosur et sur la position plus stricte de la Commission vis-à-vis de Pékin, qui s’est traduite par l’imposition de droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois.
Le chrétien-démocrate Friedrich Merz, qui pourrait devenir le prochain chancelier allemand à l’issue des élections qui se tiendront en février, défend les intérêts des exportateurs de son pays et souhaite que l’Union européenne aille plus vite pour booster le commerce. Dans un discours de campagne jeudi, il a appelé Bruxelles à conclure des deals uniquement de l’UE, qui pourraient être accélérés et ne passeraient pas par une ratification des 27 Etats membres.
Merz s’est aussi ouvertement exprimé sur la meilleure façon d’éviter une guerre commerciale avec les Etats-Unis. Il appelle à la reprise des négociations sur un accord de libre-échange transatlantique qui a échoué il y a près de dix ans.
Cela ne sera pas du goût d’Emmanuel Macron qui, au cours de l’année écoulée, a été politiquement affaibli par des défaites électorales et a présidé quatre gouvernements différents. Si le chef de l’Etat n’a pas de majorité stable au sein du Parlement, les élus français sont au moins unanimes sur un point : leur opposition au libre-échange.
Ce qui ramène von der Leyen et Šefčovič au plus grand défi commercial auquel ils seront confrontés : les droits de douane de Trump — lorsqu’ils se matérialiseront enfin.
João Vale de Almeida, ancien ambassadeur de l’Union européenne à Washington, a quelques conseils à donner sur la manière de gérer le locataire de la Maison-Blanche.
“Nous devons nous engager très tôt, mais sans être dans le besoin. Nous ne devons pas être demandeurs”, a-t-il suggéré lors d’une table ronde organisée par le European Policy Centre, un think tank bruxellois. “Nous avons besoin d’un programme à la fois offensif et défensif.”
Nicholas Vinochur, Jakob Weizman et Douglas Busvine ont contribué à cet article.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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