Qu’ils et elles œuvrent dans le privé ou dans le public, tous construisent, inspirent ou infléchissent au quotidien les politiques du numérique. POLITICO a listé la crème de la crème : voici les 42 personnes les plus influentes du moment.
1. Arthur Mensch
Fondateur de Mistral AI
C’est comme si tous les espoirs de la tech tricolore reposaient sur lui. A la tête de la décacorne Mistral AI depuis 2023, Arthur Mensch a été propulsé comme l’une des figures les plus emblématiques de la French Tech, et même de la tech européenne à l’heure où le Vieux Continent peine à se faire une place dans la course à l’intelligence artificielle.
Même Gabriel Zucman n’ose pas briser le rêve : l’inflexible économiste a bien voulu imaginer des aménagements à sa taxe sur les très (très) hauts patrimoines lorsqu’Arthur Mensch a enfilé son costume pour dire, sur le plateau du 20 heures de France 2, qu’il ne serait pas en mesure de la payer — le polytechnicien a toutefois plaidé pour “plus de justice fiscale en France”.
L’entrepreneur parvient malgré tout à naviguer dans l’instabilité politique et à engranger les contrats (avec CMA CGM, France Travail ou encore Free), en s’appuyant sur le président Macron, mais pas que. Mistral joue aussi le bon élève au niveau européen : elle a été la première à signer le “code de bonnes pratiques” issu du règlement européen sur l’IA, pourtant décrié par les entreprises du secteur.
Au-delà des enjeux de souveraineté, que l’entreprise met en avant, elle doit désormais transformer l’essai et montrer que son IA rivalise avec ses concurrentes américaines dans la course à la performance.
2. Xavier Niel
Fondateur d’Iliad
A 58 ans, le trublion des télécoms aime toujours autant titiller ses concurrents. Pendant qu’eux jouent les bons élèves, Xavier Niel, lui, offre un VPN gratuit à ses abonnés. Un formidable outil de contournement de la vérification de l’âge pour accéder, notamment, aux sites pornographiques.
L’an dernier, son livre Une sacrée envie de foutre le bordel (Flammarion) a rappelé opportunément à ses fans qu’il était encore loin de la retraite. Dans la foulée, l’homme d’affaires iconoclaste montait même sur scène pour raconter son parcours et ses choix entrepreneuriaux, aussi agressifs que visionnaires.
Rappelez-vous, l’autodidacte a fait ses premiers pas dans le Minitel rose, avant d’exploser avec Free dans les télécoms, en proposant la première offre “triple play” française, puis un forfait mobile illimité qui pousse la concurrence à casser les prix.
Depuis, le milliardaire met des billes un peu partout : dans la French Tech (Deezer, Sorare, Alan, ou encore l’incubateur Station F), le cloud et l’IA (Scaleway et OpCore), les médias (le groupe Le Monde, la société de production Mediawan), la formation (école 42). Pour l’heure, seuls la télévision et le cinéma lui résistent encore. En 2023, Niel a échoué à obtenir une fréquence TNT face à TF1 et M6. Intéressé par la reprise d’UGC, celui qui est aussi le gendre de Bernard Arnault s’est récemment fait doubler par Vincent Bolloré.
3. Johanna Brousse
Cheffe de la section J3 du parquet de Paris
Elle est en train de devenir la bête noire des plateformes. Un an après l’arrestation spectaculaire du patron de Telegram Pavel Durov, la vice-procureure Johanna Brousse a ouvert les dossiers au rythme (effréné) de l’actualité du secteur : enquête contre la plateforme X d’Elon Musk, contre le site de streaming vidéo Kick, et désormais contre Apple et son assistant vocal Siri.
Le terrain est nouveau pour cette section qui s’était d’abord concentrée sur les arnaques en ligne et la cybercriminalité plus “conventionnelle”. Si 2025 est l’année des nouveaux fronts, la section J3 est désormais attendue au tournant sur les résultats de ces nouvelles procédures contre les plateformes de portée mondiale.
Louée pour son sérieux et son expertise, construite sur le tas, Johanna Brousse, 40 ans, mène ce virage avec sa (petite) équipe de cinq magistrats. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si ces enquêtes françaises sont conformes au droit européen, alors que Bruxelles est censé être à la manœuvre en matière de régulation des grandes plateformes.
4. Martin Ajdari
Président de l’Arcom
Malgré ses bonnes connexions dans le secteur audiovisuel — il est passé par Radio France et France Télévisions, a été directeur de cabinet de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et directeur général des médias et industries culturelles au sein du même ministère —, sa première année à la tête du régulateur n’aura pas été de tout repos. Celui qui a pris début février les rênes de l’Arcom a dû faire face, au cœur de l’été, au tsunami de l’affaire Jean Pormanove, du nom de ce streameur mort en direct sur la plateforme Kick.
Face aux mises en cause dans l’opinion publique et au sein même de la classe politique, Martin Ajdari a dû prendre son bâton de pèlerin pour rappeler quelles étaient les missions du régulateur — et leurs limites en matière de régulation du numérique.
Il n’empêche : le tapage médiatique a eu l’effet d’un électrochoc, et la nouvelle feuille de route de l’Arcom, tout juste dévoilée, montre un durcissement à l’égard des plateformes. Sur le contrôle de l’âge notamment : Martin Ajdari a promis de contrôler strictement le respect des CGU et de s’assurer que les services n’exposent pas les plus jeunes à des contenus dangereux. Les plateformes sont invitées dès cet automne à rendre des comptes.
5. Donald Trump
Président des Etats-Unis
Vous ne l’attendiez pas dans notre classement, et pourtant… Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump donne le tempo en matière de régulation du numérique, invitant à maintes reprises le législateur européen à revoir sa copie.
L’Américain rêve de faire un strike en dégommant : la fameuse “taxe Gafam” déployée dans plusieurs pays européens (dont la France) ; le DMA, qui traque les abus de position dominante dans la tech ; le DSA, qu’il accuse de brider la liberté d’expression à l’américaine.
Et ce n’est pas tout : sa décision d’augmenter unilatéralement les droits de douane sur les produits chinois a fait déferler bon nombre de colis venus d’Asie sur le sol européen, poussant plusieurs Etats membres (dont la France) et la Commission européenne à réagir. Shein et Temu ne lui disent pas merci !
6. Benoît Cœuré
Président de l’Autorité de la concurrence
Peu connu du grand public lorsqu’il est propulsé en 2022 à la tête du régulateur de la concurrence, Benoît Cœuré est un économiste passé par la Banque centrale européenne et la direction du Trésor. Le successeur d’Isabelle de Silva trace pourtant sa route dans le numérique.
Ses obsessions pour 2026 ? L’intelligence artificielle et la culture. L’autorité planche ainsi sur un rapport consacré aux enjeux d’accès à l’énergie par les acteurs de l’IA. Il garde également l’œil sur la façon dont ils nourrissent leurs modèles, puisqu’il a mené une série de consultations sur le respect du droit d’auteur. Car l’Autorité de la concurrence est chargée de veiller au respect des accords sur le droit voisin, qui prévoit que les géants du numérique versent de l’argent aux médias.
Surprise au générique : la “création de contenus vidéo” et le petit monde des agences d’acteurs feront aussi l’objet d’un rapport d’ici à la fin de l’année. Une initiative directement soufflée par la commission d’enquête de l’Assemblée sur les violences dans le cinéma.
Enfin, Benoît Cœuré devrait jouer un rôle de premier plan dans la vente de SFR : le régulateur devra y mettre son nez, Bouygues Telecom, Free et Orange ayant déposé une offre conjointe de rachat.
7. Thomas Courbe
Directeur général des entreprises
Il est l’un des rares locataires de Bercy qui n’a pas besoin de garder ses cartons de déménagement à portée de main. Depuis sept ans à la tête de la direction générale des entreprises (DGE), Thomas Courbe est devenu l’une des principales interfaces entre le ministère et les boîtes privées — y compris celles du numérique. La DGE a en effet renforcé ses compétences dans le domaine, en pilotant notamment l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle (Inesia), créé cette année.
La direction de Thomas Courbe — et son service de l’économie numérique — a également la main sur la régulation du secteur : c’est une note de la DGE qui a donné le coup de grâce et définitivement enterré la loi dite “Marcangeli”, censée créer une majorité numérique à 15 ans.
La DGE a également su jouer des coudes pour la mise en œuvre du règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), afin d’éviter que la Cnil ne soit seule aux manettes du texte en France. Finalement, ce sera la direction générale des entreprises, épaulée par la Répression des fraudes (DGCCRF), qui assurera la coordination. Rien de très étonnant : c’est Thomas Courbe qui représente les autorités françaises au bureau européen de l’IA, chargé de mettre en œuvre l’AI Act.
8. Sarah El Haïry
Haut-commissaire à l’enfance
Rare figure de stabilité en ces temps troublés, Sarah El Haïry a rapidement endossé son rôle de haut-commissaire à l’enfance, devenant une interlocutrice essentielle des associations de protection de l’enfance. A défaut de pouvoir légiférer, l’ancienne ministre déléguée à l’Enfance — et vice-présidente du MoDem — a interpellé le grand public et les élus sur l’impact des écrans sur les jeunes et les risques engendrés par le numérique. Parmi eux : la diffusion, à l’ère de l’intelligence artificielle, de photos d’enfants sur les réseaux sociaux, ou encore les jeux vidéo en ligne.
9. Nicolas Dufourcq
Directeur général de Bpifrance
Nicolas Dufourcq, c’est aussi — et surtout — un franc-parler. Directeur général de la banque publique Bpifrance depuis sa création en 2013, l’énarque — qui avait développé Wanadoo dans une autre vie — est un soutien inépuisable des entreprises et des entrepreneurs. Prenons-en pour preuve ses déclarations acérées contre la taxe Zucman, un “truc complètement absurde”, une “histoire de jalousie à la française” et un signe de la “haine des riches”…
Le parrain de la French Tech investit sur des dossiers qu’il considère comme stratégiques et soutient financièrement quatre start-ups sur cinq en France, avec un slogan : “Vous envoyez du bois, nous envoyons du blé.” Et la conviction que les entrepreneurs ont toutes les solutions pour la France.
10. Anne Le Hénanff
Ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique
Fraîchement nommée au Numérique, Anne Le Hénanff a au moins un avantage aux yeux de l’écosystème tech, lassé de la valse des gouvernements : elle ne découvre pas les sujets numériques. Bien au contraire.
Membre de la Commission supérieure du numérique, l’ex-députée Horizons a été rapporteure sur le volet cloud du projet de loi visant à sécuriser l’espace numérique. Elle est surtout une aficionada des questions cyber et de souveraineté : à peine élue à l’Assemblée, en 2022, la Bretonne a conduit une mission sur la cyberdéfense. Elle était, jusqu’à sa nomination au gouvernement, rapporteure du plus gros morceau du projet de loi cyber, qui transpose la directive NIS2. Elle fait également partie des députés “lanceurs d’alerte” sur le contrat envisagé entre l’Assemblée nationale et Bleu, la succursale made in France de Microsoft Azure. Sans être une antiaméricaine à la Philippe Latombe, son ex-collègue MoDem, note un lobbyiste de la tech.
Anne Le Hénanff s’est aussi opposée à la remise en cause du chiffrement des communications, portée par l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, et souhaité de longue date par les services de sécurité intérieure.
11. Arthur Delaporte
Député PS du Calvados
Lui ne manque pas d’idées pour encadrer les plateformes et réguler les influenceurs. Coauteur de la toute première loi encadrant le secteur de l’influence, Arthur Delaporte a présidé la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok, dont les conclusions sont alarmantes. Dans la foulée, face au flou persistant autour de l’algorithme et l’impact du réseau social sur les jeunes, le député a saisi le parquet de Paris, dénonçant “une possible responsabilité de la plateforme dans la mise en danger de la vie d’autrui”.
Le socialiste n’entend pas s’arrêter là. Aux côtés de Stéphane Vojetta, il a été chargé, par l’ex-ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz, d’une mission visant à combler les failles de leur première loi sur les pratiques commerciales des influenceurs. Le député poursuit ses auditions jusqu’en novembre et espère achever son rapport avant la fin de l’année.
12. Marc-Antoine Brillant
Chef de service à Viginum
Il est la vigie du gouvernement face aux ingérences étrangères. A la tête de Viginum depuis 2023, Marc-Antoine Brillant voit venir les vagues d’ingérences numériques en amont des élections municipales de 2026, mais surtout de la présidentielle de 2027. A ce titre, il ne serait pas contre un renforcement des compétences de son service — une refonte des décrets de Viginum est d’ailleurs dans les tuyaux pour accompagner le virage offensif récemment pris par le Quai d’Orsay.
Diplômé de Saint-Cyr et passé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), Marc-Antoine Brillant est en première ligne, alors que les ingérences ne viennent plus seulement de Russie, mais aussi d’Azerbaïdjan, d’Iran ou encore… des Etats-Unis. En mars, il avait d’ailleurs pointé un risque d’ingérences liées à Elon Musk et sa plateforme X.
13. Donald Tang
Président exécutif de Shein
Il est la bête noire de l’industrie textile — qui l’accuse de détruire le tissu commercial français et européen — et la cible directe d’une proposition de loi contre la fast-fashion, en cours d’examen au Parlement. Qu’à cela ne tienne : Donald Tang multiplie les interventions médiatiques, ces derniers mois, pour convaincre qu’il est un partenaire économique de confiance.
Au Figaro, le patron de Shein assure d’ailleurs vouloir “contribuer au renouveau des centres-villes français”. En témoigne son partenariat avec Pimkie ou plus récemment celui avec le groupe SGM, qui doit permettre à la marque chinoise d’être présente au BHV et dans cinq magasins des Galeries Lafayette. Ces annonces ont déclenché un tollé médiatique et convaincu certains parlementaires qu’il fallait accélérer sur la réécriture de la loi sur la fast-fashion.
Sans compter qu’un deuxième front s’ouvre pour Donald Tang avec les négociations sur le budget 2026. Shein et d’autres enseignes asiatiques, accusées d’inonder la France de leurs produits bon marché, sont visées par une taxe de 2 euros sur les petits colis — en attendant une réforme européenne prévue pour 2028.
14. Gabriel Zucman et Philippe Aghion
Economistes
Ce sont les deux économistes stars de la rentrée. L’un avec son idée de taxe sur l’ensemble des actifs des plus riches. L’autre avec le prix Nobel, reçu le 13 novembre.
Tous deux se sont d’ailleurs retrouvés en face-à-face lors du grand raout annuel de France Digitale à la mi-septembre. Le lobby des start-ups avait bousculé son programme pour insérer un débat sur la controversée taxe Zucman.
Très vocaux dans les médias, les opposants à cet impôt sur les très hauts patrimoines — dont l’inventeur ne “pouvait être que Français”, selon Bruno Retailleau — ont trouvé dans les entrepreneurs de start-ups des alliés idéaux. Arthur Mensch, le fondateur de Mistral, s’est par exemple retrouvé à parler justice fiscale au 20 heures de France 2.
En défendant l’innovation et la destruction créatrice, Pierre Aghion est, quant à lui, l’un des économistes préférés des start-ups. Le leadership technologique, plaide-t-il, est le meilleur moyen d’assurer la puissance économique. Une thèse reprise avec joie par les géants numériques pour limiter les tentatives de régulation, selon certains.
15. Henna Virkkunen
Vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la Souveraineté numérique, de la Sécurité et de la Démocratie
Notre classement ne pouvait pas faire l’impasse sur celle qui a remplacé Thierry Breton dans le cœur des acteurs de la tech. Quoique…
Malgré son portefeuille large et stratégique — l’IA et les technologies de pointe, le cloud, les semi-conducteurs, les réseaux, ou encore la cybersécurité —, cette Finlandaise de 53 ans, nommée commissaire au Numérique en décembre 2024 à l’occasion du deuxième mandat d’Ursula von der Leyen, est restée particulièrement discrète depuis sa nomination — trop, diront ses détracteurs. En cause : sa réaction jugée un peu tiède face aux attaques incessantes de Donald Trump contre les lois numériques européennes.
A ces critiques, venues notamment des parlementaires européens, Henna Virkkunen a répondu d’un simple “stay calm”. “Je travaille constamment sur ces sujets. Mais bien sûr, chacun a des styles personnels très différents”, a-t-elle conclu.
16. Sarah Lacoche
Directrice de la DGCCRF
La DGCCRF a vu son champ de compétences s’élargir ces dernières années, à mesure que le commerce en ligne — et ses dérives — gagnait du terrain sur les ventes physiques. Lutter contre les fausses promotions et les clauses abusives, veiller à la sécurité des produits et aux bonnes pratiques des influenceurs, et bientôt encadrer de l’IA… Un éventail de missions que Sarah Lacoche, directrice depuis mai 2023, essaie de mener à bien, malgré des moyens humains et financiers qu’elle juge insuffisants.
Ces derniers mois, la Répression des fraudes était attendue au tournant : au terme de deux ans d’enquête, elle a finalement prononcé une amende de 40 millions d’euros contre le géant chinois de la fast-fashion Shein.
Sarah Lacoche est aussi sous le feu des projecteurs avec le projet de taxation des petits colis, poussé par la France et désormais porté au niveau européen. Dans ce cadre, la DGCCRF travaille d’arrache-pied avec les douanes sur un nouveau protocole de coopération, très attendu par le petit monde du e-commerce.
17. Julie Lavet
Cheffe des politiques publiques et des partenariats d’OpenAI pour l’Europe
Julie Lavet occupe l’un des postes de lobbyiste les plus en vue en cette période du tout-IA. Depuis 2024, la Française est à la tête des affaires publiques du géant OpenAI pour l’Europe. Une sacrée promotion pour celle qui s’occupait auparavant des relations publiques d’Apple en France, mais surtout une montée en intensité, alors que sa nouvelle entreprise est scrutée par les régulateurs européens.
La trentenaire a réalisé son cursus honorum en cabinet ministériel, en rejoignant en 2016 celui de Manuel Valls, alors Premier ministre. Elle y était chargée des relations avec le Parlement.
Toujours basée à Paris, Julie Lavet devra sans nul doute gérer les relations tendues avec les ayants droit, qui reprochent aux modèles d’intelligence artificielle d’être entraînés sur leurs contenus sans autorisation ni rémunération. Leur frustration grandit, alors qu’OpenAI a jusqu’ici douché les espoirs de l’Alliance de la presse d’information générale et a séché les dernières réunions sur le sujet organisées par le gouvernement.
18. Marie-Laure Denis
Présidente de la Cnil
Conseillère d’Etat, Marie-Laure Denis est présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés depuis février 2019. Cette haute fonctionnaire a consacré vingt ans de carrière à la régulation au sein d’autorités administratives indépendantes : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (devenu l’Arcom) jusqu’en 2011, le régulateur des télécoms (l’Arcep) jusqu’en 2017, et la Commission de régulation de l’énergie de 2017 à 2019.
Renouvelée en novembre 2023, elle est parvenue à faire avancer la Cnil sur une ligne de crête : composer entre son rôle de gendarme des données et sa mission d’accompagnement à l’innovation.
Marie-Laure Denis a inscrit sur la liste de ses priorités la protection de l’enfance en ligne et l’éducation au numérique, mais aussi la prévention des risques cyber et la régulation de l’intelligence artificielle. Sous sa présidence, la Cnil devra encore achever sa mue en régulateur de l’IA, dont le rôle dépasse largement celui de protecteur des données personnelles.
19. Philippe Latombe
Député MoDem de Vendée
Membre de la commission des Affaires économiques, l’élu a fait de la souveraineté numérique son cheval de bataille. Il est d’ailleurs l’auteur d’un rapport parlementaire sur le sujet, publié en 2021. Du soutien aux start-ups au transfert de données vers les Etats-Unis, en passant par le cloud souverain et l’open data, Philippe Latombe se mobilise sur tous les fronts et milite pour une volonté politique plus forte, à Paris et à Bruxelles, afin de protéger entreprises nationales et citoyens.
Jusque-là, on ne peut pas dire qu’il ait été pleinement entendu. L’élu a tout même profité de son poste de président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi cybersécurité pour pousser — avec un succès mitigé — nombre de mesures en faveur de la souveraineté et contre les lois extraterritoriales à l’américaine.
20. Céline Berthon
Directrice générale de la sécurité intérieure
Elle est le visage de la — par nature discrète — direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Céline Berthon, policière de formation, a été la première femme à prendre la tête des renseignements intérieurs en 2024.
Depuis quelques mois, elle n’hésite plus à porter publiquement les doléances de ses équipes. Le sujet le plus abrasif : une demande de levée du chiffrement des messageries (WhatsApp, Signal, etc.) qui, selon elle, “aveuglent” les services de renseignement, alors que les criminels et terroristes se tournent vers ces solutions pour échapper à la surveillance des autorités.
Bien que son lobbying n’ait pas suffi à introduire une telle mesure, lorsqu’elle a été examinée par le Parlement, Céline Berthon n’entend pas lâcher l’affaire. D’autant qu’une nouvelle menace trouve désormais sa place dans son giron : les ingérences étrangères, dont elle a elle-même été la cible.
21. Stéphane Pacaud
Directeur de WGCZ, propriétaire des sites XVideos et XNXX
L’homme est un caillou dans la chaussure de l’Arcom. Classé parmi les 500 plus grosses fortunes de France par Challenges, avec plus de 600 millions d’euros en banque, Stéphane Paccaud doit sa réussite à un réseau de sites pornographiques, dont les très populaires XVideos et XNXX. Récemment, il a aussi mis la main sur Jacquie et Michel.
Originaire du Creusot, en Saône-et-Loire, l’homme cultive la discrétion. Il expliquait en 2019 se “moquer totalement de [se] faire connaître” et tançait “l’incompétence” des médias, les accusant de “sensationnalisme” sur la question du porno.
Stéphane Pacaud mène la bataille contre le contrôle d’âge sur les sites porno. Son recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) risque fort de mettre en défaut le régulateur tricolore, celui-ci ayant empiété sur le droit européen, selon le rapporteur général de la CJUE. La décision doit être rendue prochainement et pourrait détricoter les mesures de contrôles d’âge construites par le législateur français.
22. Justine Atlan
Directrice générale d’e-Enfance
Directrice générale d’e-Enfance, association qui accompagne les victimes de cyberharcèlement, Justine Atlan a, depuis toujours, soigné ses relations avec l’exécutif : de Luc Chatel, ministre de l’Education nationale en 2009, à Clara Chappaz, qui a quitté son poste au Numérique il y a quelques jours. Sa cause a même séduit Brigitte Macron, qui l’a reçue pour parler des ravages des écrans sur les jeunes enfants.
Loin de s’opposer aux acteurs de la tech, la lobbyiste a su tisser une relation de confiance avec leurs représentants, qu’elle convie d’ailleurs chaque année, aux côtés des régulateurs et des élus, au Parc des Princes pour le tournoi de football caritatif de l’association.
Sur le fond des sujets, Justine Atlan a défendu ces derniers mois la mise en place d’un système de vérification de l’âge des internautes et d’un contrôle parental pour l’inscription des moins de 15 ans sur les réseaux sociaux. Plus récemment, elle a appelé les parlementaires à chercher un financement pour les signaleurs de confiance — chargés par l’Arcom de faire remonter aux plateformes les contenus illicites.
23. Anne Bouverot
Envoyée spéciale sur l’IA et coprésidente du Cian
Après avoir organisé avec succès le Sommet sur l’IA à Paris en février dernier, Anne Bouverot est devenue l’un des rouages de la politique française en matière d’intelligence artificielle.
C’est donc tout naturellement que l’ancienne ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz s’est tournée vers l’envoyée spéciale d’Emmanuel Macron pour l’IA pour présider — aux côtés de Guillaume Poupard, directeur général adjoint de Docaposte et ancien patron de l’Anssi — le tout nouveau Cian (Conseil de l’IA et du numérique).
Anne Bouverot, qui a passé dix-huit ans chez Orange, est aussi présidente du conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure, où elle s’est spécialisée dans les impacts sociétaux de l’IA.
24. Marc Lolivier
Délégué général de la Fevad
A la tête de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) depuis 2002, Marc Lolivier est incontournable dans le petit monde des boutiques en ligne.
Dans les prochains mois, celui qui représente la France au sein de la fédération européenne du e-commerce (Ecommerce Europe) aura du pain sur la planche. A Paris d’abord, avec le budget 2026 dans lequel se profile une taxe de 2 euros sur les petits colis destinée freiner l’arrivée massive de produits asiatiques dans l’Hexagone. Selon Marc Lolivier, cette mesure devrait renforcer la compétitivité des e-commerçants tricolores.
Mais le gros de son travail se fera bel et bien à Bruxelles, où la Commission européenne prépare un texte sur la protection du consommateur à l’ère numérique (Digital Fairness Act).
25. Nathalie Tehio
Présidente de la Ligue des droits de l’homme
Avocate au barreau de Paris, spécialiste des libertés publiques et des violences policières, Nathalie Tehio a rejoint le bureau national de la LDH en 2020, avant d’en prendre la présidence en mai 2024.
A l’époque, les émeutes font rage en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement décide de suspendre le réseau social TikTok dans l’archipel. “Une atteinte à la liberté de communication des idées et des opinions” immédiatement dénoncée par l’association, qui attaque d’urgence cette décision en justice.
Ce virage numérique s’est poursuivi ces derniers mois. Par exemple, la LDH a porté plainte en février contre Apple pour collecte illégale de données via son assistant Siri. A peu près au même moment, l’association a aussi joué les lanceuses d’alerte, attirant l’attention de l’Arcom au sujet de la plateforme Kick et les violences perpétrées sur la chaîne Le Lokal.
Nathalie Tehio réfléchit sérieusement à faire de la LDH un signaleur de confiance, au titre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Ce statut permettrait à l’association de faire remonter plus rapidement les contenus illicites aux plateformes.
26. Pascal Rogard
Directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
Inlassable défenseur de “l’exception culturelle”, il ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de clasher les plateformes — notamment TikTok, qu’il menace régulièrement d’un procès pour non-versement des droits d’auteur.
Juriste de formation et lobbyiste influent à Paris comme à Bruxelles, où il a mené le combat pour l’adoption de la directive sur le droit d’auteur, Pascal Rogard a fait toute sa carrière au service de la culture, d’abord auprès des producteurs et réalisateurs de cinéma, puis des auteurs.
Son dernier combat en date (et à venir) : faire barrage à OpenAI, très tentée de présenter son film d’animation généré par IA au… Festival de Cannes 2026. Remonté comme un coucou, le patron de la SACD a écrit à la présidente du festival, Iris Knobloch, pour s’enquérir de la place qu’aurait ce projet sur la Croisette.
27. Laure de La Raudière
Présidente de l’Arcep
Pas facile de succéder à l’hyperactif Sébastien Soriano. Laure de La Raudière a pourtant réussi à imprimer sa marque dans le secteur des télécoms. Normalienne et ingénieur télécoms, elle a passé onze ans chez France Télécom, avant de fonder sa société de conseil. Elue députée UMP d’Eure-et-Loire en 2007, elle s’investit dans les dossiers numériques et fait pas moins de neuf rapports sur le sujet, allant de la neutralité du net à l’économie numérique, en passant par la couverture du territoire.
Sa nomination début 2021 à la tête de l’Arcep, l’autorité de régulation du secteur, surprend autant qu’elle rassemble. Ce qui a fait pencher la balance ? “Elle est à la fois très ancrée dans la politique locale et sait traiter de sujets techniques arides”, expliquait alors aux Echos le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, qui aurait vivement recommandé la députée à Emmanuel Macron.
Depuis l’été, la présidente de l’Arcep s’est donné une mission : étendre la régulation numérique de l’UE aux services de cloud et d’IA des géants américains, pour faciliter l’émergence d’alternatives européennes.
28. Vincent Strubel
Directeur général de l’Anssi
Il est un pur produit de l’Anssi. Ingénieur X-Télécoms, membre du corps des Mines, Vincent Strubel a fait de la sécurité des systèmes d’information sa spécialité. Il rejoint l’agence en 2009 en tant que chef du laboratoire architectures matérielles et logicielles, puis occupe les postes de responsable des expertises et de directeur de l’Opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés — une émanation de l’Anssi —, avant d’être nommé DG en 2023.
En bon fonctionnaire, Vincent Strubel dépasse rarement les bornes de son devoir de réserve, mais sait habilement pointer les responsabilités des uns et des autres — et livrer le fond de sa pensée sur une disposition législative. Et quand il sort du cadre, c’est que l’heure est grave. Tout récemment, il a remis à sa place le hackeur-influenceur Clément Domingo, ulcéré par l’ampleur d’une rumeur de cyberattaque “massive” contre une agence de l’Etat.
29. Pavel Durov
Fondateur et dirigeant de Telegram
D’amoureux autoproclamé de la France, Pavel Durov est devenu son détracteur. Alors que le fondateur de Telegram est désormais sous contrôle judiciaire dans l’Hexagone depuis plus d’un an, il s’est tourné vers les médias et ses followers pour dénoncer la procédure qui le vise, et le tient pour responsable des activités illégales qui se déroulent sur sa messagerie.
Désormais brouillé avec la France, il a délaissé son deuxième nom, Paul du Rove — qu’il avait choisi en accédant à la nationalité tricolore en 2021, avec l’appui d’Emmanuel Macron —, et s’attaque frontalement à certains services, comme la DGSE et son patron Nicolas Lerner.
Durov peut néanmoins s’appuyer dans son combat sur le soutien d’Elon Musk et de plusieurs influenceurs de la sphère MAGA, qui n’hésitent pas à faire le déplacement en France pour l’interviewer dans la prison dorée des hôtels parisiens.
30. Benoît Tabaka
Directeur des affaires publiques de Google France
C’est l’un des lobbyistes les plus connus du secteur numérique. Et pour cause : du Forum des droits sur l’internet au secrétariat général du Conseil national du numérique, en passant par les affaires publiques du groupe PriceMinister, Benoît Tabaka a déjà eu plusieurs vies professionnelles.
A la tête des affaires publiques de Google France depuis 2018, il a récemment pris du galon et dirige, depuis septembre, les relations institutionnelles et politiques publiques du géant américain en Europe du Sud.
Il faut dire que la “méthode Tabaka” a fait ses preuves, à Paris comme à Bruxelles. Cordial, réactif aux demandes du législateur, rechignant rarement à faire une énième audition sur le même sujet au nom de la sacro-sainte “pédagogie”, il a su tisser une relation apaisée avec les pouvoirs publics (ministres, parlementaires et même collectivités locales), privilégiant le dialogue à l’opposition de principe.
31. Gaspard G
Influenceur
Tout juste nommé vice-président de l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (Umicc), le youtubeur Gaspard G a récemment pris un virage plus politique. Son objectif : obtenir des aides de l’Etat pour les influenceurs d’information, afin de réduire leur dépendance aux partenariats avec les marques. Cette ambition s’accompagne d’une autre demande : la reconnaissance d’un véritable statut pour ces influ-journalistes qui aident, selon lui, à la lutte contre la désinformation.
Gaspard G poursuit par ailleurs ses propres projets en tant que créateur et producteur de contenu. A la tête de l’agence Intello, il a notamment accompagné ces derniers mois des présentateurs, comme Claire Chazal et Stéphane Bern, à faire leur mue sur YouTube. En parallèle, l’influenceur pénètre peu à peu l’écosystème politique via des interviews pour sa chaîne d’actualité. Parmi ses invités, des poids lourds, comme François Hollande ou Emmanuel Macron.
32. Roxanne Varza
Directrice de Station F
Quel start-uppeur peut prétendre n’avoir jamais visité son temple de la tech ? Roxanne Varza, la patronne de Station F, est l’une des personnalités les mieux connectées de l’écosystème des start-ups français. Il faut dire que Station F parvient toujours à se placer sur la carte des événements tricolores du numérique. Hub des grands rendez-vous de la tech, il est aussi le lieu de réception des soirées VIP organisées par des géants, comme OpenAI, et de dîners confidentiels.
Au cœur de cette plaque tournante du réseautage tech, Roxanne Varza tient la barre depuis plus de dix ans. Née à Palo Alto, naturalisée Française, l’ancienne journaliste avait été repérée par le milliardaire Xavier Niel, fondateur de Station F, alors qu’elle prêtait sa plume au média TechCrunch.
Roxanne Varza (qui est également micro-influenceuse sur Spotify) accompagne désormais les projets d’incubation du patron d’Iliad. Dernier en date : l’accélérateur de start-ups sportives du Paris Saint-Germain, qui s’est installé, lui aussi, à Station F.
33. Pierre Louette
PDG du groupe Les Echos et président de l’Apig
A la tête du groupe Les Echos depuis 2023, cet ancien magistrat de la Cour des comptes est depuis 2024 le très influent président de l’Alliance de la presse d’information générale (Apig). Un poste qu’il a déjà occupé de 2020 à 2022 dans le contexte très tendu des négociations sur les droits voisins entre les acteurs de la presse et les plateformes.
Le retour de ce fin négociateur à la tête de l’Apig coïncide avec l’ouverture d’un nouveau front dans la bataille qui oppose les ayants droit et les entreprises de la tech : celui du développement de l’intelligence artificielle et de la rémunération des auteurs.
Alors que la concertation menée par les ministères de la Culture et du Numérique patine, Pierre Louette n’hésite plus à passer à l’offensive. Avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l’Apig a lancé une action contre trois bases de données publiques, largement utilisées par les géants de l’IA pour entraîner leurs modèles.
Pierre Louette a aussi saisi, il y a quelques jours, l’Autorité de la concurrence au sujet des négociations avec Meta sur les droits voisins. L’Apig juge en effet “insultante” la proposition de rémunération du géant américain et dénonce un abus de position dominante.
34. Alex Hitchens
Influenceur
Pour les pouvoirs publics, il est l’incarnation française du courant masculiniste sur les plateformes qui aggrave les stéréotypes de genre. L’influenceur et coach en séduction Alex Hitchens totalise pratiquement 400 000 abonnés sur YouTube et 719 000 sur un compte de secours sur TikTok — l’officiel a été fermé à la demande de la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes Aurore Bergé.
Le vidéaste ne s’en cache pas : il faut choquer pour percer dans l’influence. Lui, par exemple, n’a pas hésité à conseiller aux femmes de ne pas sortir dans la rue après 22 heures. Cette déclaration lui a valu des échanges tendus avec les députés Laure Miller (EPR) et Arthur Delaporte (PS) lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok — qu’il a quittée brutalement.
Devenue virale, la séquence a mis en lumière ce courant que les pouvoirs publics aimeraient endiguer. Et pour cause : selon l’Office anticybercriminalité (Ofac), qui gère la plateforme de signalement Pharos, le mouvement incel prend de l’ampleur en Europe. En réponse, le Haut conseil à l’égalité préconise même la création d’un “délit de sexisme” pour encadrer ce type de contenu.
35. Sylvie Valente Le Hir
Sénatrice LR de l’Oise
Elle n’est pas du genre à baisser les bras. Malgré l’instabilité et la valse des gouvernements, la rapporteure sur la proposition de loi sur la fast-fashion a fait des pieds et des mains pour inscrire le texte à l’ordre du jour du Sénat. Un lobbying réussi, qui s’est soldé par l’adoption d’un texte largement remodelé le 2 juin.
Sous sa houlette, la Chambre haute a revu un élément clé de la PPL : la définition même de la fast-fashion, qui se base désormais sur le nombre de produits neufs et non plus de références présentes sur un site. Une façon d’exclure les marketplaces françaises ou européennes, comme Kiabi ou Zalando, qu’elle tient à protéger face à la concurrence des Shein ou Temu. Mais sa réécriture ne fait pas l’unanimité et pourrait bien faire l’objet de débats en commission mixte paritaire.
36. Guillaume Poupard
Directeur général adjoint de Docaposte et coprésident du Cian
Depuis son départ de l’Anssi en 2023, Guillaume Poupard dit tout haut avec sa voix rassurante ce que son successeur, Vincent Strubel, pense tout bas. Notamment sur la remise en cause du chiffrement des communications par l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
A la tête de Docaposte depuis janvier 2023, il n’a pas rompu pour autant ses liens avec le gouvernement. A peine avait-il achevé sa mission d’envoyé spécial sur l’IA de confiance pour le sommet de Paris — où il a œuvré à la création d’un institut de l’évaluation des risques de l’intelligence artificielle — qu’il a aidé à choisir le nouveau président du Campus Cyber. Lassé d’écrire des posts LinkedIn — c’est lui qui le dit ! —, l’ingénieur a depuis trouvé dans le Conseil de l’IA et du numérique (Cian) une nouvelle plateforme pour diffuser ses idées, notamment auprès de l’exécutif.
37. Octave Klaba
Président d’OVHcloud
C’est le porte-voix du cloud tricolore. Et il vient tout droit de Pologne. Octave Klaba a consacré trois décennies à son entreprise OVH pour tenter de grignoter des parts de marché aux géants américains. Il leur emprunte pourtant tous les codes : son entreprise est nichée dans la “Roubaix Valley”, et il n’oublie jamais de faire le show. Guitare à la main, Klaba ouvre chacun des “OVH Summits” par un concert de rock.
Depuis quelques années, l’entrepreneur s’est lancé un nouveau défi : construire tant bien que mal un “champion des services cloud”, à partir d’anciennes pépites déchues de la tech française. En 2021, il a racheté la boîte de cloud gaming Shadow, puis a convaincu, deux ans plus tard, la Caisse des dépôts d’investir à ses côtés pour reprendre le moteur de recherche Qwant.
Ses appels à la souveraineté numérique ont trouvé directement écho auprès des sénateurs de la commission d’enquête sur la commande publique, qui appelle à orienter les achats publics vers la tech hexagonale. OVH attend désormais de piquer à Microsoft le contrat d’hébergement du Health Data Hub avant de crier victoire.
38. Eric Bothorel
Député EPR des Côtes-d’Armor
Adoubé par le secteur des télécoms, à qui il prête une oreille attentive, le député breton œuvre pour réduire la fracture territoriale de la couverture numérique.
Membre de la commission des Affaires économiques, Bothorel agit aussi en contrepoids des tentations de régulation de l’exécutif ou de certains de ses camarades : il s’oppose ainsi à la vérification d’âge en ligne, à l’interdiction des réseaux sociaux pour les plus jeunes, comme au règlement européen ChatControl.
Aboutissement de cette prise de distance, il a décidé de quitter EPR pour rejoindre les rangs de ses apparentés. Mais il sait toujours se comporter en bon soldat pour défendre le gouvernement, par exemple pour préserver la copie initiale du projet de loi cyber dont il est rapporteur général.
39. Maya Noël
Directrice générale de France Digitale
Directrice du lobby des jeunes pousses France Digitale depuis plus de quatre ans, Maya Noël est l’avocate des start-ups dans les périodes de gros temps — dont l’année 2025 fait partie. Après avoir atteint des sommets en 2022, les levées de fonds du secteur n’ont fait que baisser, a diagnostiqué France Digitale en septembre 2025.
De quoi renforcer l’argumentaire de Maya Noël, qui devra défendre l’écosystème dans les négociations budgétaires à venir, à l’heure où la tentation est grande de trancher net dans les avantages des entreprises.
Celle qui a fait ses classes en cofondant YBorder — une plateforme RH pour trouver des profils de développeurs —, avant de rejoindre le fondateur de BlaBlaCar Frédéric Mazzella à France Digitale, se prépare à prendre son bâton de pèlerin pour convaincre les nouveaux occupants de Bercy des bienfaits de la start-up nation. Un concept qui, France Digitale veut le croire, survivra au macronisme.
40. Paul Midy
Député EPR de l’Essonne
Elu à l’Assemblée nationale depuis 2022, Paul Midy se veut la voix des start-ups, qu’il défend à chaque sursaut de l’actualité. Cette année, il a ainsi ferraillé contre la taxe Zucman, et a volé au secours des entrepreneurs cryptos et de leurs données sensibles après une série de rapts.
A l’Assemblée, Paul Midy est souvent celui par lequel les coups de poker sur la politique du numérique passent : en 2024, il avait été l’émissaire surprise d’un amendement visant à revenir sur le chiffrement des applis de messagerie.
Son maître mot : lutter contre “l’impunité en ligne”, un combat qui passerait selon lui par une fin de “l’anonymat sur les réseaux sociaux”. Et qu’il n’a pas abandonné malgré des revers dans l’arène parlementaire.
Le prochain chantier de ce polytechnicien, passé par plusieurs start-ups, sera de défendre les avantages fiscaux des jeunes pousses dans les négociations budgétaires, à l’heure de la rigueur dans la gestion des finances publiques.
41. Patrick Chaize
Sénateur LR de l’Ain
“On ne peut pas lui reprocher de ne pas connaître ses sujets”, reconnaît une lobbyiste souvent en désaccord avec lui. Patrick Chaize a une obsession : les télécoms, qu’il veille à mettre à l’agenda parlementaire aussi fréquemment qu’il le peut. Chaque année, le sénateur se démène pour minimiser l’ampleur des coupes budgétaires et, en parallèle, instiller l’idée d’un plan “France Numérique 2030” pour remettre à plat le financement des réseaux comme des politiques d’inclusion numérique.
Fils d’électricien automobile, président de l’Avicca, l’association des collectivités locales engagées dans le numérique, Patrick Chaize est dur avec les opérateurs télécoms — il souhaite les voir améliorer la qualité des raccordements en fibre optique — et avec les plateformes numériques. Lors des émeutes du printemps 2023, il avait fait la demande ébouriffante que celles-ci suppriment les contenus incitant à la violence. L’amendement avait été écarté en douceur. Patrick Chaize est un parlementaire que l’on ménage, tant dans le secteur télécoms que du côté du gouvernement.
42. Sasha Luccioni
Chercheuse spécialisée dans l’intelligence artificielle et le changement climatique
Elle est l’une des précurseures dans la recherche sur l’impact environnemental de l’intelligence artificielle. Sasha Luccioni est chargée des questions d’IA et de climat pour la licorne franco-américaine Hugging Face depuis quatre ans et exige sans relâche plus de transparence de la part des entreprises d’IA sur leurs émissions carbone. Un enjeu brûlant à mesure que de nouveaux datacenters sortent de terre et que les entreprises cherchent à obtenir toujours plus de capacités de calcul.
A 34 ans, la chercheuse canadienne a ainsi contribué à créer l’outil CodeCarbon ou les energy scores pour tenter d’imposer un référentiel de transparence en matière énergétique. Si les entreprises d’IA se sont faites plutôt discrètes sur ce point, la donne serait-elle en train de changer ? Mistral AI a en tout cas publié cette année sa première étude d’impact, de l’entraînement à l’usage des modèles, avec l’appui de l’Ademe et du cabinet Carbone 4.
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