PARIS — Les tractations en coulisses vont durer jusqu’à la dernière minute : jeudi, à 15 heures, les huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale éliront en même temps leur président et renouvèleront leur bureau. Les scrutins, qui se déroulent à bulletin secret, pourraient réserver quelques surprises, comme ce fut le cas en 2024, dans ces enceintes sans force majoritaire.
Le “socle commun”, la coalition qui soutient le gouvernement, s’est fixé deux objectifs : reprendre le contrôle des deux instances perdues l’an passé au profit de la gauche (les Affaires économiques et les Affaires culturelles), ainsi que le poste stratégique de rapporteur général du budget.
Les députés du Rassemblement national et leurs alliés ciottitstes joueront, comme souvent, les arbitres.
POLITICO vous liste les candidats en lice à ce stade et ceux en embuscade. Avec en bonus, pour chaque commission, notre baromètre du popcorn, pardon, du niveau de suspens attendu.
Commission des Finances
Charles de Courson danse sur un fil. Les députés des groupes du socle commun (Ensemble pour la République, Horizons, MoDem et Droite républicaine) s’activent pour récupérer cette fonction stratégique qui leur avait échappé l’an passé. Ex aequo avec le macroniste Jean-René Cazeneuve, le député Liot l’avait emporté au privilège de l’âge. Le socle commun veut donc corriger ce qu’il estime être une anomalie : le rapporteur général du budget doit revenir à un député de la majorité, toute relative soit-elle.
Après un bras de fer avec Laurent Wauquiez (DR), le chef de file des élus EPR Gabriel Attal a finalement proposé à ses troupes de renoncer à candidater pour ce poste. Le candidat du socle face à Courson sera donc le député DR Philippe Juvin.
Charles de Courson, issu d’un groupe de députés indépendants, peut espérer se maintenir à condition de réunir le soutien et de la gauche et de députés du RN. “Il fait le job, il parle à tout le monde, il est respecté de tout le monde, il écoute tout le monde”, vante un élu mariniste.
La présidence de la commission des Finances devrait faire l’objet d’un match LFI-RN. Seule commission permanente qui, selon le règlement de l’Assemblée, doit être présidé par un député de l’opposition, l’Insoumis Eric Coquerel se représente au nom de la gauche. “Le principe est de préserver les sortants [issus de groupes de gauche]”, assure-t-on côté du groupe PS. Si Jean-Philippe Tanguy (RN) devait retenter sa chance, il ne pourrait alors rien espérer sans un improbable soutien des groupes centraux.
L’usage veut que les députés de la majorité ne prennent pas part au vote et laissent les oppositions se départager dans cette élection spécifique, mais les macronistes l’avait rompu en tentant d’imposer Véronique Louwagie l’année dernière — son groupe DR était alors inscrit dans l’opposition.
Commission des Affaires sociales
La tension devrait être moindre aux Affaires sociales, où deux postes sont aussi à renouveler. Côté présidence, le sortant Frédéric Valletoux se représente afin de garder la seule commission présidée par Horizons. Il devrait poursuivre en binôme avec Thibaut Bazin (DR), actuel rapporteur du budget de la Sécurité sociale, qui se représente également.
Commission des Affaires économiques
L’Insoumise Aurélie Trouvé espère rester à la tête de la commission des Affaires économiques, poste qu’elle avait arraché contre toute attente il y a un an, en raison de la désunion entre les macronistes et la droite. Elle compte sur la reproduction du même scénario perdant pour les macronistes.
Sauf que : après avoir accepté de lâcher une vice-présidence de l’Assemblée à son allié du MoDem, Gabriel Attal mise tout sur cette commission pour récupérer un nouveau poste à responsabilité pour son groupe. Celui qui portera les couleurs d’EPR sera l’ex-ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, qui compte bien retrouver un poste qu’il a occupé quelques mois, au printemps 2024.
Reste à connaître l’attitude du RN, qui pourrait là encore jouer les faiseurs de roi (ou de reine). Le groupe lepéniste estime avoir été traité de “façon honnête”, sans toutefois imaginer voler au secours de la députée LFI, soulignait mi-septembre un membre RN de la commission.
Commission des Affaires étrangères
Le député du Haut-Rhin Bruno Fuchs se représente. Son entourage le décrit comme “confiant et combattant” pour garder la tête d’une commission détenue par le MoDem depuis 2017.
Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire
Sandrine Le Feur (EPR) part avec de bonnes chances de rester en place, malgré quelques faiblesses. “Les DR risquent de ne pas soutenir sa candidature en raison de son opposition à la loi Duplomb [qui prévoyait de réautoriser un pestricide néonicotinoïde]”, spécule une de ses collègues macronistes. Du côté de la Droite républicaine, on assure que si le deal global au sein du socle commun est bien respecté, personne n’ira réclamer un scalp.
Pour les quatre forces de gauche, l’objectif est de présenter un seul nom. “Ça pourrait être pour nous mais rien n’est fait encore. Et même si c’est nous ça ne sera pas forcément moi”, a répondu l’Ecologiste Lisa Belluco à POLITICO, qui était candidate à l’élection précédente. Au sein des groupes de gauche, l’autre nom qui revient comme candidat potentiel commun est celui du socialiste Gérard Leseul.
Commission des Lois
Florent Boudié (EPR) avait pu, l’an passé, se hisser à la présidence de la commission des Lois après un troisième tour victorieux, grâce à un transfert des voix de l’extrême droite en sa faveur. Colette Capdevielle (PS), son opposante d’alors, n’a pas confirmé à POLITICO si elle représentera à nouveau la gauche dans cette élection. Elle craint la répétition d’un scénario identique.
Très convoitée, l’instance occupe une place centrale dans la fabrique de la loi et examine le plus grand nombre de textes (de la sécurité aux libertés publiques, en passant par l’immigration et les règles électorales).
Commission des Affaires culturelles et de l’Education
C’est la deuxième présidence qu’espère conquérir le socle commun. Les socialistes sont décidées à sauver le siège de Fatiha Keloua-Hachi, mais en ont-ils les moyens ? Elle fera face à un candidat issu du groupe DR, en vertu de l’accord passé avec les autres partis du socle : Alexandre Portier, ex-ministre délégué à l’Education du gouvernement Michel Barnier et proche de Laurent Wauquiez, qui a battu lors d’un vote interne la savoyarde Virginie Duby-Muller.
L’an passé, le poste avait échappé au député MoDem Erwan Balanant, sur fond de compétition interne. Il avait trébuché en raison du maintien de candidature de sa camarade Géraldine Bannier… elle aussi étiquetée MoDem. Il ne se représentera pas cette année.
Bruno Clavet sera candidat pour le RN.
Commission de la Défense nationale et des Forces armées
En poste depuis juillet 2024, Jean-Michel Jacques (EPR) veut rempiler pour la prochaine session. Le président sortant de la commission ne devrait pas subir de compétition interne au socle commun, et devrait retrouver son poste facilement, les quatre groupes de gauche étant moins bien représentés que dans d’autres instances.
Laura Kayali, Paul de Villepin, Judith Chetrit, Sofiane Zaizoune, Kenza Pacenza et Jason Wiels ont contribué à cet article.
The post “Game of thrones” à l’Assemblée : tout savoir sur la bataille des commissions appeared first on Politico.
