PARIS — Emmanuel Macron a enfin trouvé l’âme sœur allemande qu’il cherchait depuis des années. Et il doit dire merci à Donald Trump.
En faisant planer le doute sur l’engagement des Etats-Unis dans l’Otan et en demandant à l’Europe de protéger l’Ukraine contre la Russie, le président américain bouleverse l’architecture de sécurité qui protège l’Europe occidentale depuis huit décennies.
C’est un choc géopolitique qui pousse le futur chancelier allemand Friedrich Merz à raviver la flamme vacillante du couple franco-allemand, censé tirer l’économie européenne et tracer sa trajectoire politique.
Pour Emmanuel Macron, les relations avec l’Allemagne ont toujours été frustrantes. Alors que la France a appelé l’UE à tracer sa propre voie sur le plan militaire et industriel en adoptant une politique d’“autonomie stratégique”, Berlin s’est montré sceptique, ne voulant pas s’aliéner les Etats-Unis, qui ont été le pilier de sa stratégie de défense d’après-guerre.
Malgré les vaillants efforts diplomatiques du président français — qui a notamment prononcé l’an dernier un hommage, en grande partie en allemand, à la mémoire de l’ancien ministre des Finances Wolfgang Schäuble —, Berlin n’a pas succombé à ses charmes sur des questions politiques essentielles, allant du commerce à la dette commune.
Aujourd’hui, toutes les vieilles certitudes s’évanouissent à vitesse grand V.
Dans un surprenant virage à 180 degrés marquant un tournant dans les relations entre les deux pays, Merz a fait part de son intérêt à l’idée de voir l’Allemagne sous la protection de la dissuasion nucléaire française. C’est une des nombreuses propositions que les Français poussent depuis des années, mais qui recevait habituellement un accueil glacial outre-Rhin.
Après des années de désaccord apparent avec l’Allemagne sur tous les sujets durant le mandat d’Olaf Scholz, la France se réjouit de la perspective d’avoir un dirigeant allemand qui, avant même d’entrer en fonction, s’empresse d’ouvrir la voie pour que son pays investisse des milliards d’euros dans les infrastructures et l’armement.
“Il y a chez Merz et dans son entourage, le réflexe franco-allemand”, se félicite le ministre français chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, à POLITICO. “Ce qui ne veut pas forcément dire qu’on va être d’accord sur tout, mais qu’il y a une volonté d’avancer avec nous.”
Les désaccords entre les deux pays sur des questions brûlantes, telles que les accords de libre-échange, ne disparaîtront probablement pas comme par enchantement, mais leurs responsables affirment qu’il est possible de trouver un terrain d’entente sur de nombreux sujets, en particulier sur le front de la défense.
“Il y a eu une modification de leur perception du monde. Et là, pour le coup, on se rapproche vraiment de la nôtre”, commente Sylvain Maillard, député Ensemble pour la République et président du groupe d’amitié France-Allemagne à l’Assemblée nationale.
L’effet Trump
Merz et Macron avaient déjà probablement tout pour bien s’entendre. Tous deux sont des créatures du monde de l’entreprise, bien que la carrière de Merz dans le secteur privé — dont des passages au cabinet d’avocats Mayer Brown et au conseil d’administration de la société d’investissement BlackRock — ait été beaucoup plus longue que celle de Macron en tant que banquier chez Rothschild & Co. Ils partagent même une affinité pour l’artiste allemand Anselm Kiefer.
Mais sans Trump, il n’est pas certain que les deux dirigeants seraient partis sur d’aussi bonnes bases.
Le futur dirigeant allemand est un atlantiste assumé mais, après que son alliance conservatrice est arrivée en tête des élections fédérales en février, il a clairement indiqué que les Etats-Unis, un pays qu’il affirme avoir visité plus de 100 fois, ne sont plus, sous Trump, l’allié fiable qu’ils étaient.
Trois jours plus tard, Merz s’est rendu à Paris pour un dîner de trois heures avec Macron à l’Elysée, au cours duquel ils ont discuté — en anglais — de questions allant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie aux dépenses de défense et aux défis économiques de l’UE. Merz se décrit comme “très proche” de Macron.
“Merz et Macron sont sur la même longueur d’onde”, relate un proche de l’Allemand, à qui l’anonymat a été accordé pour qu’il puisse s’exprimer librement. “Il y a des contacts intensifs qui devraient déboucher sur un programme franco-allemand, qui devrait commencer peu après que le nouveau gouvernement allemand aura pris ses fonctions.”
Cela ne signifie pas que les choses seront simples des deux côtés.
Merz devra surmonter la vieille allergie allemande à la dette pour rattraper des décennies de sous-investissements dans la défense.
Pour la France, à court d’argent, trouver une voie pour atteindre l’objectif de dépenses de défense de plus de 3% du PIB, que Macron a récemment fixé, ne sera pas chose aisée. C’est pourquoi elle a proposé des emprunts communs au niveau européen comme solution possible, ce que l’Allemagne a refusé jusqu’à présent.
Néanmoins, les défis posés par le retrait de l’administration Trump de l’Europe ont créé ce qu’un proche de Macron a appelé un “alignement” entre Berlin et Paris.
La crise, selon cette même source, a créé “un momentum franco-allemand assez puissant”.
Joseph de Weck, membre du think tank Foreign Policy Research Institute, estime que “Merz est vraiment le meilleur partenaire de l’autre côté du Rhin que Macron a probablement eu en sept ans”.
Ce n’est pas un hasard, note Joseph de Weck, si sur le bureau de Merz, au siège de la CDU à Berlin, se trouve une photo en noir et blanc de Konrad Adenauer et de Charles de Gaulle.
“Merz pense comme Macron dans des termes historiques, et il veut probablement avoir une photo de lui et Macron dans les livres d’histoire”, conclut Joseph de Weck.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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