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Par ÉMILE MARZOLF
Avec OCÉANE HERRERO et KLARA DURAND
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— Le jour d’après, la petite musique de la dérégulation de l’IA continue de monter.
— Un rapport parlementaire pointe les avantages de Starlink pour connecter les trains.
— Nouveau retard au décollage pour la PPL anti-fast fashion.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes jeudi 13 février, et vous lisez Tech Matin !
LE FAIT DU JOUR |
LA LEÇON AMÉRICAINE. L’Europe peut-elle encore tenir la course à l’intelligence artificielle ? La question a été lancinante hier, sous les ogives de la Cathédrale américaine de Paris, où un panel de grands noms de la tech s’est succédé, en guise de digestif du Sommet sur l’IA.
Chou (blanc) de Bruxelles. La France et l’Union européenne ont eu beau jouer l’effet “wahou” avec des annonces d’investissements massifs dans les datacenters, cela n’a pas suffi à convaincre l’ancien patron de Google, Eric Schmidt. “L’Europe doit changer d’état d’esprit”, a-t-il affirmé, car “Bruxelles aime réguler les choses”.
Get started. Un argument qu’il a porté auprès d’Emmanuel Macron, a-t-il confié, en pointant un trou de souris pour les entrepreneurs européens : les applications de l’IA. A leur place, “je regarderais le workflow et j’imaginerais des agents IA pour faire le travail de planification”. Le cofondateur de LinkedIn Reid Hoffman en a rajouté une couche : l’Europe se voit comme un arbitre entre la Chine et les Etats-Unis, “mais un arbitre n’est pas très apprécié, et il ne gagne jamais”.
You’re out of your (Deep)mind! Les voix les plus mitigées ont été celles de Demis Hassabis, le patron de Google DeepMind, et Dario Amodei, son alter ego chez Anthropic. Ce dernier, qui s’est fendu d’un billet acide sur la faible place des débats sur la sûreté de l’IA, a réitéré sur scène le besoin d’une “structure de gouvernance”. Il s’en remet au prochain sommet mondial pour cela. “L’idée que l’Europe régule sert certaines entreprises”, a abondé la ministre déléguée à l’IA Clara Chappaz quelques tables rondes plus tard.
LE RN PRODÉRÉGULATION. Le Rassemblement national présentait hier sa stratégie sur l’intelligence artificielle. Et une chose est sûre : sur ce sujet, le parti d’extrême droite est en phase avec Emmanuel Macron. Le document, rédigé par les députés Aurélien Lopez-Liguori (président du groupe de travail sur la souveraineté numérique) et Alexandre Sabatou (coauteur d’une mission d’information sur l’IA), est largement orienté en faveur de l’innovation et de la dérégulation.
Parmi les propositions avancées : sabrer l’AI Act européen en l’abolissant “partiellement”, mais aussi créer une dérogation au RGPD pour les entreprises d’IA du Vieux Continent qui doivent entraîner leurs modèles. Le document propose enfin de mettre le paquet sur les investissements, en créant un fonds souverain et en priorisant les entreprises européennes dans la commande publique.
On a changé d’avis. La stratégie du RN est en revanche peu loquace sur les risques posés sur l’emploi par l’intelligence artificielle. Fin 2023, le président du parti Jordan Bardella avait pourtant qualifié ChatGPT de “grand remplacement”.
TÉLÉCOMS |
GOOD DEAL OR BAD DEAL? C’est l’heure de vérité : le New Deal Mobile a-t-il tenu ses promesses ? Les députés Jérôme Nury (DR) et Eric Bothorel (EPR) ont rendu, hier, leur rapport sur cet accord signé entre l’Etat et les opérateurs de téléphonie pour accélérer la couverture mobile du pays. Un deal win-win : l’Etat renonçait à vendre ses fréquences, tandis que les opérateurs s’engageaient à presser le pas.
Verdict : l’accord a été un “indéniable succès”, estiment les députés. Il a permis de couvrir 99% de la population en 4G, et de résorber presque entièrement les zones blanches sans aucun réseau.
Oui, mais tout n’est pas encore réglé. Les deux élus plaident donc pour un “New Deal Mobile 2” afin de prolonger les efforts sur la couverture des zones peu peuplées, des territoires ultramarins, ou encore des trains régionaux.
Starlink en embuscade. Le rapport incite aussi les pouvoirs publics et la SNCF à regarder de plus près ce que pourraient apporter des satellites comme ceux de Starlink, pour connecter les axes ferroviaires et les zones très isolées. Les rapporteurs misent notamment sur l’alternative européenne IRIS² pour des questions de souveraineté numérique. Mais la SNCF attendra-t-elle la mise en orbite de ce projet, prévu en 2031 ? Pas sûr : l’entreprise publique devrait lancer son appel d’offres dès cette année.
Chose rare, les deux députés n’étaient visiblement pas complètement d’accord sur l’extinction des vieux réseaux 2G et 3G, voulue par les opérateurs. Jérôme Nury veut laisser un laps de temps supplémentaire pour permettre aux entreprises d’encaisser le choc. Eric Bothorel s’y oppose. En contrepartie, le premier propose d’alléger les taxes payées par les opérateurs sur chaque pylône (Ifer mobile).
E-COMMERCE |
REBONDISSEMENT. La proposition de loi anti-fast fashion ne sera finalement pas examinée fin mars dans la semaine du gouvernement, selon le compte-rendu de la conférence des présidents du Sénat, retardant de facto son vote.
Try again. Le sénateur centriste Jean-François Longeot, qui pensait avoir obtenu des garanties de l’exécutif pour cette date, va donc reprendre son bâton de pèlerin “pour comprendre ce qui bloque” dans la PPL, a-t-il indiqué à ma collègue Klara Durand. L’inscrire dans la semaine réservée au gouvernement ne serait en effet “pas définitivement écarté”, selon une source proche de l’exécutif.
Autre solution : l’inscrire dans la prochaine niche centriste, prévue le 6 mars, a appris Klara. Une option délicate, selon Longeot, car “c’est le groupe qui décide de l’inscription des PPL examinées” et seuls deux textes le seront.
HAINE EN LIGNE |
LES AVENGERS DE LA RÉGULATION. L’Arcom, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le parquet de Paris et l’Ofac ont rendez-vous aujourd’hui pour mettre en commun leur travail sur la lutte contre la haine en ligne, et la mise en application du cadre posé par la loi sur l’espace numérique (SREN) — le texte qui transpose le règlement sur les services numériques (DSA). Cette coopération devrait se pérenniser afin d’accélérer la mise en application de ce cadre européen, violemment critiqué par le gouvernement Trump.
Pédagogie. Ensemble, ces institutions ont publié une brochure, résumant les rôles de chacun dans la lutte contre la haine en ligne, et expliquant les leviers d’actions à disposition du grand public. Objectif : vulgariser un texte compliqué — le DSA — pour que les citoyens s’en emparent.
Avoir confiance. La brochure rappelle aussi l’importance des “signaleurs de confiance”, chargés de faire remonter aux plateformes les contenus illicites diffusés sur leur interface. En fin d’année, e-Enfance avait été désignée comme premier signaleur de confiance en France.
D’autres noms devraient être dévoilés “dans les prochaines semaines”, précise Benoît Loutrel, membre du collège de l’Arcom à ma collègue Klara Durand. Ce dernier reconnaît que le processus prend du temps. Notamment, pour trancher sur le nombre d’organismes, opérant sur les mêmes thématiques, qui obtiendront le fameux statut. Le nombre de signaleurs de confiance doit en effet être limité pour éviter que leur rôle perde en valeur.
SURVEILLANCE |
ON REPART POUR TROIS ANS. L’Assemblée nationale a adopté, mardi soir, la proposition de loi sur la sûreté dans les transports. Et avec elle, la prolongation jusqu’à fin 2027 de l’expérimentation de la vidéosurveillance automatisée déployée pendant les JO. Une rallonge proposée par le gouvernement et par plusieurs parlementaires qui avaient déposé des amendements identiques.
Le motif : les algorithmes auraient montré leur “pertinence” pour détecter certaines situations à risque (l’intrusion d’une personne dans un périmètre interdit, par exemple), mais les services de sécurité de la RATP et de la SNCF n’ont pas eu le temps de bien les utiliser. Pas assez, en tout cas, pour trancher sur l’intérêt ou non de leur pérennisation.
Le hic : cette prolongation a été votée sans même qu’un débat public ait pu se tenir. Or le rapport d’évaluation de cette expérimentation, dévoilé par POLITICO mi-janvier et publié le 7 février en plein Sommet sur l’IA, conclut à un “intérêt opérationnel” réel mais “limité”, car très variable en fonction des situations et du contexte.
Circulez y’a rien à voir. L’opposition des députés de gauche n’aura rien changé, pas plus que celle du MoDem Philippe Latombe, qui aurait préféré avoir un débat “calme” et “posé” avant de jouer les prolongations.
What’s next? L’avenir du texte est désormais entre les mains d’une commission mixte paritaire, dont la date de réunion n’était pas connue hier du rapporteur du texte à l’Assemblée. Peu de chances que le Sénat, dominé par la droite, s’y oppose : les sénateurs avaient eux-mêmes étendu le recours à des algorithmes, pour traiter les images des caméras-piétons des agents de sûreté, mais pas en temps réel.
DU CÔTÉ DE BRUXELLES |
PETIT ANGE PARTI TROP TÔT. Chose promise, chose due : la Commission européenne a détaillé ses premières mesures de simplification pour déchaîner les innovateurs et le développement de l’intelligence artificielle. Son plan propose d’enterrer purement et simplement la directive sur la responsabilité de l’IA.
Ce projet de texte devait permettre aux victimes “de dommages causés par des technologies de l’IA d’accéder à une réparation”, selon la Commission.
Sans surprise, l’industrie applaudit des deux mains. Daniel Friedlaender, du lobby européen des Big Tech, salue les efforts de la Commission pour éviter d’ajouter de nouvelles règles, mais déplore le “peu d’efforts” pour rationaliser les règles existantes. A l’inverse, ce retrait “envoie un message alarmant” pour le Centre pour la démocratie et la technologie, qui dénonce une course à l’innovation.
AGENDA |
Dès 8 heures, la ministre du Numérique se rend à Cannes pour le Wold Artificial Intelligence Cannes Festival.
A partir de 10 heures, deuxième journée pour le Paris-Saclay Summit-Chose Science, organisé à l’EDF Lab.
MERCATO |
Magali Valente prend la tête du cabinet de Rachida Dati à la Culture, après la nomination de Gaëtan Bruel à la présidence du CNC.
RESTEZ BRANCHÉS |
— Dans une interview au Parisien, le ministre de la Justice Gérald Darmanin estime que “la fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux est d’une importance capitale dans la lutte contre la pédocriminalité, le trafic de drogue, le cyberharcèlement…”
— Le Monde révèle les dessous peu reluisants de l’industrie de la revente de données perso.
Un grand merci à : notre éditrice Tiphaine Saliou et à Jean-Christophe Catalon.
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