BUDAPEST — Lors d’un récent voyage à Strasbourg, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a promis de sabler le champagne si son ami Donald Trump remportait l’élection présidentielle américaine.
Il a désormais l’occasion de le faire, sous les yeux des dirigeants de l’Union européenne qui se rendent dans sa capitale, Budapest, jeudi, pour deux jours de réunions.
Le populiste et conservateur hongrois a longtemps insisté sur le fait que lui et un nombre croissant de ses alliés européens finiraient du côté des gagnants de l’histoire, avec des programmes hostiles à l’immigration et à l’Ukraine, et attachés aux valeurs familiales chrétiennes traditionnelles.
La victoire de Trump donne un coup de fouet aux pays qui cherchent à s’opposer à l’UE mainstream et à arracher davantage de souveraineté aux bureaucrates de Bruxelles. Le plus important est peut-être qu’ils auront de plus en plus le sentiment de disposer d’une plus grande envergure politique pour contrecarrer Bruxelles sur des mesures allant des sanctions contre la Russie aux réformes écologiques.
Avec un gouvernement français fragile, entravé par un trou budgétaire, et une coalition allemande qui vient de s’effondrer, le moteur habituel de l’UE est au point mort, offrant plus d’espace aux amis conservateurs d’Orbán en Europe centrale et en Italie pour donner le ton politique au sein de l’UE.
“C’est le moment des Meloni et des Orbán de ce monde. Nous [la France] n’avons pas la main sur les grands dossiers internationaux”, a déclaré un allié de premier plan d’Emmanuel Macron.
Rassembler le groupe
Le calendrier des sommets, décidé par Orbán — la Hongrie occupant actuellement la présidence tournante de l’UE —, n’aurait pas pu être plus mauvais pour les dirigeants qui se méfient du retour de Trump.
Cela les rend prisonniers du programme d’Orbán, sur son territoire, et les expose aux surprises de leur hôte ; il pourrait même essayer de faire participer Trump au dîner des dirigeants par visioconférence (Bruxelles a demandé que la réunion soit limitée aux seuls invités officiels).
Outre Orbán, la Première ministre italienne Giorgia Meloni et le chancelier autrichien Karl Nehammer sont tous deux idéologiquement proches de Trump — bien que Meloni ne partage pas la position prorusse du Hongrois. La coalition néerlandaise au pouvoir est soutenue par Geert Wilders, un politicien populiste anti-islam et anti-immigration. Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, est en conflit avec Bruxelles au sujet de l’Etat de droit, tout comme Orbán, et partage les penchants prorusses du leader de Budapest. Ce groupe de potentiels démolisseurs sera probablement rejoint l’année prochaine par Andrej Babiš, qui devrait revenir au pouvoir en République tchèque lors des élections de l’année prochaine.
Pour Andrea Di Giuseppe, député italien du parti Frères d’Italie de Meloni, qui représente les Italiens d’Amérique du Nord, la victoire de Trump renforce personnellement Meloni, “parce qu’aujourd’hui, en Europe, Meloni aura un rôle primordial. Lorsqu’il s’agit de travailler avec Trump, elle est la seule conservatrice parmi les membres fondateurs de l’UE et les grandes économies européennes, et son approche est très similaire à celle de Trump.”
La victoire du milliardaire américain représente “une nouvelle ligne politique pour les Etats-Unis et leurs alliés européens”, ajoute Di Giuseppe.
“L’Europe doit s’adapter et comprendre que la force est venue du peuple.”
Le programme d’Orbán
Peu après le triomphe de Trump aux Etats-Unis, le Premier ministre hongrois a cherché des moyens de faire de leurs tendances respectives une idéologie cohérente.
Après le résultat des élections, “nous avons bon espoir que la coopération politique entre la Hongrie et les Etats-Unis reviendra à son sommet, car nous partageons les mêmes points de vue sur la paix, l’immigration illégale et la protection des familles”, a écrit le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó, sur Facebook.
En effet, pour Orbán, l’élection de Trump représente une opportunité de redéfinir l’“Occident” — d’une coalition dirigée par les Etats-Unis et basée sur des valeurs libérales, à une organisation plus lâche dans laquelle les valeurs conservatrices dominent.
“Cela souligne son récit sur le renouveau d’un Occident différent, où Trump est le leader et l’Occident suit”, analyse Nicolai von Ondarza, responsable de la recherche au sein du think tank Stiftung Wissenschaft und Politik.
Orbán, qui s’est acoquiné avec le président russe Vladimir Poutine et l’a rencontré ces dernières semaines, a également appelé à une “nouvelle stratégie européenne” sur l’Ukraine. Les dirigeants européens auront des difficultés à poursuivre leur soutien financier et militaire à l’Ukraine face à l’invasion russe si Trump met fin à l’aide des Etats-Unis.
Macron et le ministre polonais des Affaires étrangères, Radek Sikorski, ont fait valoir mercredi que le retour de Trump à la Maison-Blanche devrait pousser l’Europe à assumer une plus grande responsabilité pour sa propre sécurité. Quelques jours avant le vote, le Premier ministre polonais a écrit sur X que l’ère de “l’externalisation géopolitique” touchait à sa fin.
Les dirigeants étaient “plus concentrés que paniqués” à l’idée que Trump revienne au pouvoir, indique un diplomate de l’UE, à qui l’anonymat a été accordé pour qu’il puisse parler franchement de discussions privées. Ils ont souligné la rapidité avec laquelle Macron a organisé un appel avec Scholz après le résultat de l’élection américaine, preuve d’une action commune.
Mais d’autres experts et diplomates se sont montrés sceptiques, estimant qu’au lieu de rapprocher les puissances de l’UE, l’élection de Trump inciterait les pays à la jouer solo et tenter de s’attirer les faveurs de Washington — et à accroître les divisions parmi les responsables politiques mainstream.
“Attendez-vous à ce que les Européens se précipitent en ordre dispersé à Mar-A-Lago pour demander un traitement privilégié par rapport à leurs voisins”, a posté sur X Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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